- INTRODUCTION: LECTURE DES TEXTES SUR DES DESCRIPTIONS DE PERSONNAGE
La Rochefoucauld - Portrait du duc de La Rochefoucauld fait par lui-même
J'ai le teint brun, mais assez uni; le front élevé et d'une raisonnable grandeur; les yeux noirs, petits et enfoncés, et les sourcils noirs et épais, mais bien tournés. Je serais fort empêché de dire de quelle sorte j'ai le nez fait, car il n'est ni camus, ni aquilin, ni gros, ni pointu (...) tout ce que je sais c'est qu'il est plutot grand que petit, et qu'il descend un peu trop bas. J'ai la bouche grande et les lèvres assez rouges d'ordinaire, et ni bien ni mal taillée. J'ai les dents blanches et passablement bien rangées. On m'a dit autrefois que j'avais un peu trop de menton: je viens de me regarder dans le miroir pour savoir ce qu'il en est, et je ne sais pas trop bien qu'en juger. Pour le tour du visage je l'ai carré ou en ovale; lequel des deux, il me serait fort difficile de le dire. J'ai les cheveux noirs, naturellement frisés, et avec cela épais et assez longs.
Victor Hugo - Notre Dame de Paris
Nous
n'essaierons pas de donner au lecteur une idée de ce nez tétraèdre, de cette
bouche en fer à cheval, de ce petit oeil gauche obstrué d'un sourcil roux en
broussailles, tandis que l'oeil droit disparaissait entièrement sous une énorme
verrue; de ces dents désordonnées, ébréchées çà et là, comme des créneaux d'une
forteresse; de cette lèvre colleuse, sur laquelle une de ces dents empiétait
comme la défense d'un éléphant, de ce menton fourchu; et surtout de la
physionomie répandue sur tout cela; de ce mélange de malice, d'étonnement et de
tristesse. Qu'on rêve, si l'on peut, cet ensemble.
Proper Mérimée - Carmen
Sa peau, parfaitement unie, approchait fort de la teinte du cuivre. Ses yeux étaient obliques, mais admirablement fendus; ses lèvres, un peu fortes, mais bien dessinées et laissant voir des dents plus blanches que des amandes sans leur peau
Ses cheveux, peut-être un peu gros, étaient noirs, à reflets bleus comme l'aile de corbeau, longs et luisants
Elle a bien soixante dix ans et elle doit avoir les cheveux blancs; je n'en sais rien; personne n'en sait rien, car elle a toujours un serre-tête noir qui lui colle comme du taffetas sur le crâne; elle a, par exemple, la barbe grise, un bouquet de poils ici, une petite mèche qui frisotte par là, et de tous côtés des poireaux comme des groseilles, qui ont l'air de bouillir sur sa figure.
Pour mieux dire, sa tête rappelle par le haut, à cause du serre-tête noir une pomme de terre brûlée et, par le bas, une pomme de terre germée: j'en ai trouvé une gonflée, violette, l'autre matin, sous le fourneau, qui ressemblait à grand tante Agnès comme deux gouttes d'eau.
Jules Supervielle - L'enfant de la haute-mer
Elle n'était pas très jolie à cause de ses dents un peu écartées, de son nez un peu trop retroussé, mais elle avait la peau très blanche avec quelques taches de douceur, je veux dire de rousseur. Et sa petite personne commandée par des yeux gris, modestes mais très lumineux, vous faisait passer dans le corps, jusqu'à l'âme une grande surprise qui arrivait du fond des temps.
C'était un homme d'une quarantaine d'années, plutôt petit, très maigre, avec un visage en lame de couteau, des cheveux très courts, déjà grisonnants, taillés en brosse. Il portait un costume croisé gris sombre. Si tant est qu'un homme puisse porter sa profession sur sa figure, il ne donnait pas l'impression d'être médecin, mais plutôt hommes d'affaires, fondé de pouvoir d'une grande banque, ou avocat
L'ineffable Christophe Lambert, grande belle tronche molle, est l'ultime coqueluche des pétasses cinéphiles, avec son bon gros regard mi-clos de persienne hawaïenne et sa bonne grosse bouche à gober les moules espagnoles, toujours entrouverte sur un demi-sourire béat aux lèvres charnues expertes à sucer les porte-clés à même le tableau du concierge du Carlton.
Sa peau, parfaitement unie, approchait fort de la teinte du cuivre. Ses yeux étaient obliques, mais admirablement fendus; ses lèvres, un peu fortes, mais bien dessinées et laissant voir des dents plus blanches que des amandes sans leur peau
Ses cheveux, peut-être un peu gros, étaient noirs, à reflets bleus comme l'aile de corbeau, longs et luisants
Jules Vallès - L'enfant
Elle a bien soixante dix ans et elle doit avoir les cheveux blancs; je n'en sais rien; personne n'en sait rien, car elle a toujours un serre-tête noir qui lui colle comme du taffetas sur le crâne; elle a, par exemple, la barbe grise, un bouquet de poils ici, une petite mèche qui frisotte par là, et de tous côtés des poireaux comme des groseilles, qui ont l'air de bouillir sur sa figure.
Pour mieux dire, sa tête rappelle par le haut, à cause du serre-tête noir une pomme de terre brûlée et, par le bas, une pomme de terre germée: j'en ai trouvé une gonflée, violette, l'autre matin, sous le fourneau, qui ressemblait à grand tante Agnès comme deux gouttes d'eau.
Jules Supervielle - L'enfant de la haute-mer
Elle n'était pas très jolie à cause de ses dents un peu écartées, de son nez un peu trop retroussé, mais elle avait la peau très blanche avec quelques taches de douceur, je veux dire de rousseur. Et sa petite personne commandée par des yeux gris, modestes mais très lumineux, vous faisait passer dans le corps, jusqu'à l'âme une grande surprise qui arrivait du fond des temps.
Georges Pérec - W ou le souvenir d'enfance
C'était un homme d'une quarantaine d'années, plutôt petit, très maigre, avec un visage en lame de couteau, des cheveux très courts, déjà grisonnants, taillés en brosse. Il portait un costume croisé gris sombre. Si tant est qu'un homme puisse porter sa profession sur sa figure, il ne donnait pas l'impression d'être médecin, mais plutôt hommes d'affaires, fondé de pouvoir d'une grande banque, ou avocat
Pierre Desproges - Fonds de tiroir
L'ineffable Christophe Lambert, grande belle tronche molle, est l'ultime coqueluche des pétasses cinéphiles, avec son bon gros regard mi-clos de persienne hawaïenne et sa bonne grosse bouche à gober les moules espagnoles, toujours entrouverte sur un demi-sourire béat aux lèvres charnues expertes à sucer les porte-clés à même le tableau du concierge du Carlton.
II)
CONSIGNES POUR L'ECRITURE
A) Ecrire; réaliser un
portrait – le choix du personnage –
1.
trouver la personne dont vous pourriez faire le portrait.
2.
Il vaut mieux, surtout au début, avoir comme sujet d’étude, un
être possédant des traits peu communs ou du moins assez caractéristiques. En
effet, un beau, au visage lisse, bien fait de sa personne, vêtu avec goût, et à
la parole juste sera plus difficile à décrire qu’un laid.
3.
Prenez un laid, c’est très bien, un laid ! Pourvu qu’il ait
le nez trop long et ventru du bout, les cheveux gras et mal coupés, tenez une
frange genre ficelle qui lui tombe au dessus des sourcils ! Pas mal
ça ! Non !
B) Ecrire, réaliser un portrait – l’impression générale de ce
personnage –
1.
Ayez une impression globale de ce sujet : beau ou laid,
austère comme F….n, jovial comme un certain maire de France, plein d’énergie
comme S…..i, etc.
2.
Robert est laid. Et personne ne pourra dire le contraire (annonce
générale).
C) les détails au service de l’impression générale – Décrire.
Une fois ceci fait, il vous faut maintenant entrer dans un
processus de détails. Comme Balzac, grand portraitiste parmi les portraitistes,
attachez-vous à décrire les détails qui viennent appuyer votre impression
générale. Reprenons l’exemple du personnage laid.
D) Ecrire, réaliser un portrait – de la tête aux pieds – Décrire.
D) Ecrire, réaliser un portrait – de la tête aux pieds – Décrire.
1.
Robert est laid. Et personne ne pourra dire le contraire (annonce
générale).
2.
Puis, entrez dans le détail, la tête : le nez trop long et
ventru du bout, les cheveux gras et mal coupés garnie d’une méchante frange, un
teint rougeaud et une peau qui aurait de toute évidence besoin d’un sablage.
3.
Puis, continuez avec le corps du personnage, en gardant cette
impression générale (la laideur) Comme une disgrâce n’arrive jamais seule,
Robert se porte sur deux jambes courtes, surmontées d’un buste rond, et bien
malin qui pourra discerner l’estomac des fesses !
4.
Si vous voulez encore être plus complet et détailler encore ce
portrait, continuez sur cette lancée et accablez ce pauvre personnage. Vous
pouvez décrire sa démarche qu’il aura, bien entendu, lourde et ses choix de
vêtements, qui seront de toute évidence, de mauvais goût.
5.
Ecrire, réaliser un portait et y apporter l’élément de
contraste :Ceci bien sûr n’est pas obligatoire, mais lorsque l’on décrit
un personnage de cette façon si excessive, il peut être intéressant d’y ajouter
un contraste. Le choix du contraste doit évidemment avoir une utilité pour
votre récit :
III) PRODUCTION
De Anaïs:
***
De Lise-Noëlle:
III) PRODUCTION
De Anaïs:
Elliot restait dubitatif. Le teint de son miroir était-il
piqué ? Les taches qu’il distinguait étaient-elle sur sa peau ?
Il constata que ses sourcils étonnés n’arrivaient plus à
soulever entièrement ses paupières tombantes.
Leur peau fripée ressemblait à deux rideaux de théâtre
prêt à se fermer sur son regard encore vif.
Ses yeux de braise, pensait-il, étaient pourtant bien les
mêmes qu’au début de sa carrière de jeune premier !
Que s’était-il passé ? Etait-ce les baisers de ses
conquêtes qui lui avaient distendu aussi rapidement les joues ?
En revanche, il se demandait si le galbe de ses lèvres
n’avait pas rétréci. Trop parlé, trop râlé, trop gueulé peut-être ...
Son aspect actuel était-il la punition de ses erreurs
passées ? Que pouvait-il faire devant un tel drame ?
Il éprouva soudain le besoin imminent de faire revivre sa
jeunesse passée et se regardant bien en face devant la glace, il se fourra un
doigt dans le nez.
***
De Lise-Noëlle:
D’où vient-il ? Peut-être est-ce un marin ? Un corps sans doute musclé et noueux. Figé, fixé dans le macadam. Une forme d’immobilité vivante. C’est quelqu’un qui a l’habitude du grand air, il n’a pas froid aux yeux. D’où vient-il ?
***
De Lise-Noëlle:
Il est étrange cet homme, véritablement étrange.
De sa main droite, il dirige sa
clope, une Gauloise maïs vers le bas de son visage dont il cache les lèvres et
une partie du menton. Il a laissé pousser son poil un peu partout, l’ovale de
son visage est velu, une petite moustache, des sourcils à-demi broussailleux,
enfin des cheveux qu’il cache sous un bonnet de laine à côtes.
Il ne vous regarde pas. Il vous
scrute. Et tout, dans son corps serré dans un duffel-coat noir et usé semble à
votre écoute. On dirait qu’il va vous avaler tout entier pour restituer votre
portrait. L’iris vert de ses yeux brûle le visage et il s’en sert comme d’un
phare qui vous balaierait de la tête aux pieds. Iris vert sur fond d’œil d’un blanc laiteux. Etrange regard,
étrange homme.
Muet. Un sourire ironique flotte en
même temps qu’une attention soutenue : une ride entre les deux yeux la
souligne.
D’où vient-il ? Peut-être est-ce un marin ? Un corps sans doute musclé et noueux. Figé, fixé dans le macadam. Une forme d’immobilité vivante. C’est quelqu’un qui a l’habitude du grand air, il n’a pas froid aux yeux. D’où vient-il ?
Alors, je me lance, j’ose une
question « Vous auriez l’heure ? ».
Un grognement puis un sourd
« Non », et de son bras libre, il indique la pendulette encastrée
au-dessus du portail des entrepôts.
Je lui aurai bien demandé l’adresse d’un restaurant ou d’un bistrot. Mais moi, dans ma redingote noire, sortie du meilleur tailleur, avec mes chaussures faites sur mesures, j’ai l’air de quoi face à lui ? D’un clown ? D’un Martien ? Si je lui parle de nourriture, j’ai peur qu’il n’ouvre démesurément la bouche et qu’il ne m’embroche de son bras libre pour me mettre à rôtir sur un feu de fortune. Alors, tout en ne le perdant pas de vue, je marche à reculons, je manque tomber à la renverse et plus je m’éloigne, plus fort j’entends le rire sardonique de l’homme si étrange, plus je sens son regard laser balayer toute la surface de mon corps. Si étrange que de peur, je me retourne et me mets à courir à toute allure.
Je lui aurai bien demandé l’adresse d’un restaurant ou d’un bistrot. Mais moi, dans ma redingote noire, sortie du meilleur tailleur, avec mes chaussures faites sur mesures, j’ai l’air de quoi face à lui ? D’un clown ? D’un Martien ? Si je lui parle de nourriture, j’ai peur qu’il n’ouvre démesurément la bouche et qu’il ne m’embroche de son bras libre pour me mettre à rôtir sur un feu de fortune. Alors, tout en ne le perdant pas de vue, je marche à reculons, je manque tomber à la renverse et plus je m’éloigne, plus fort j’entends le rire sardonique de l’homme si étrange, plus je sens son regard laser balayer toute la surface de mon corps. Si étrange que de peur, je me retourne et me mets à courir à toute allure.
Lise-Noëlle
***
De Lise-Noëlle:
Finca Ildelisa,
Pio Cuá, Matanzas, 2016, Photo © 2017 Elliott Erwitt
Encastrée dans sa fenêtre de bois
clouté, elle a laissé sa main gauche pendre dehors, l’épaule relâchée. Sa main
droite s’appuie sur le dossier d’une chaise canée, dans un mouvement de doigts
légèrement précieux comme si elle voulait retenir l’air ou un plume de duvet.
Elle porte un tee-shirt à manches
longues dont les manches sont relevées. C’est peut-être un vêtement d’homme,
sobre, sans coquetterie et cependant elle a donné au col ouvert un petit
mouvement libertin qui dégage une poitrine maigre, des seins menus, une gorge
marquée qui porte un cou musclé. Une maigreur élégante. Elle est coiffée les
cheveux brossés en arrière, dégageant de larges oreilles, un peu décollées
et, illuminant son portrait, un sourire
tendre, humain et triste. Un regard droit et intelligent. Un visage aimable.
Ses lèvres entr’ouvertes sont généreuses. Tout en elle porte la marque du
travail, de durs labeurs manuels qui l’ont musclée, usée. Elle est désormais
fatiguée. Mais elle se
tient droite, légèrement de biais et sous sa tendresse perce sa volonté de rester digne quelques soient les circonstances.
C’est une femme pauvre, elle habite
une favella à Pio Cuà. Une reine à Pio Cuà !
Lise-Noëlle



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